
Felix E. Müller, Chefredaktor der NZZ am Sonntag.
Sur l’objectif central de l’initiative pour l’autodétermination, Economiesuisse est très clair: «La démocratie suisse n’a pas besoin d’être sauvée, elle se porte à merveille». Mais ce qui inquiète l’organisation faîtière, c’est que l’acceptation de l’initiative créerait une grande incertitude pour l’économie. Car en cas de conflit entre droit national et international, le traité international doit être renégocié. Et en cas d’échec des négociations, l’initiative pour l’autodétermination exige que le contrat soit résilié. C’est cet automatisme qui prive délibérément le Conseil fédéral et le parlement de toute marge de manœuvre.
L’initiative pour des aliments équitables par exemple contenait des éléments contraires à l’accord de l’OMC. Son acceptation aurait soudainement créé de l’incertitude sur cet accord crucial pour l’économie, et créé une pression en faveur d’une renégociation, le tout sous l’épée de Damoclès de la résiliation. Le scénario de l’initiative pour des aliments équitables se répétera pour les initiatives futures. Les bases commerciales stables ne ressemblent pas à ça, raison pour laquelle Economiesuisse s’engage avec force dans la campagne. L’organisation faîtière de l’économie est soutenue par une société civile très active, menant ses propres campagnes indépendantes pour le «non».
Du côté de l’UDC, les publicités et affiches sont probablement la plus grande surprise, car elles renoncent à la recette traditionnelle du parti, la provocation. A la place, des personnes sympathiques en gros plan tenant à la main une pancarte avec le message «Oui». Les trois lettres de l’expéditeur n’apparaissent pas une seule fois. Ca rappelle un peu la publicité électorale d’un parti du centre.
L’UDC fonde son argumentation sur les messages cultivés depuis un certain temps, à savoir que les institutions internationales, l’UE en particulier, menacent l’indépendance et la souveraineté de la Suisse. Notons que Magdalena Martullo-Blocher joue un rôle important dans cette campagne et sort ainsi pour la première fois de son sujet de prédilection, la politique économique. Elle se rapproche de la position que son père a occupée jusqu’à présent au sein de l’UDC.
L’initiative pour l’autodétermination électrise moins les foules que les précédentes initiatives anti-européennes de l’UDC. Cela s’explique notamment par le fait que grâce à Economiesuissse, le projet fait l’objet de discussions approfondies d’un point de vue économique. A cet égard, les Suisses ont tendance à juger de manière pragmatique. De plus, l’UDC a perdu le monopole des positions critiques envers l’UE. Ces derniers temps, les syndicats l’ont dépassée en refusant sèchement le compromis dans les mesures d’accompagnement.
Soudain, la ligne de conflit en politique européenne se situe à gauche et non à droite. De plus ces derniers temps, le PLR a consolidé sa réputation de force sceptique vis-à-vis de l’UE, mais intéressée à coopérer pragmatiquement avec Bruxelles. L’affirmation tactique du parti selon laquelle le PLR s’efforcerait d’adhérer à l’UE n’est plus actuelle. L’UDC ressent peut-être cette nouvelle constellation, qui rend son activité plus difficile, et essaie avec un style nouveau (d’affiche) de nouveaux moyens et de nouveaux destinataires pour ses messages.
Le PLR (et aussi le PDC) sont probablement les plus adaptés à l’humeur actuelle de la population. Le message selon lequel la Suisse a jusqu’ici traité de manière pragmatique et au cas par cas les conflits entre droit national et international semble convaincre. Pour être honnête, il ne nie pas que de tels conflits se sont produits et continueront à se produire. Mais il dit aussi que jusqu’à présent des solutions utiles ont toujours pu être trouvées. Cette voie pragmatique serait menacée par une réglementation rigide comme celle voulue par l’initiative pour l’autodétermination. L’argument décisif se résume par un proverbe américain: «If it ain’t broke, don’t fix it» – «Si ce n’est pas cassé, ne le réparez pas».